
Tout commence lors d’un brunch organisé par Sarah. Après un photoshoot qui sera par la suite nommé Sororité (aujourd’hui adelphité depuis des coming out NB), les 9 membres du collectif ont une longue discussion sur le manque de diversité dans les Arts. C’est comme ça que naît ExtraMuseClub, un collectif de femmes et personnes non-binaires racisées qui ont pour but de décoloniser les arts.
DÉCOUVREZ LE COLLECTIF EXTRAMUSECLUB
Tout d’abord, comment allez-vous ? L’actualité est très pesante en ce moment, comment vous vous sentez ?
Kim : Moi c’est mitigé, ça dépend de ce que j’ai fait de ma journée, si elle a été productive. Ça joue vachement quand je vais sur twitter principalement, le centre d’ondes négatives surtout par rapport à l’actualité, pas tant le coronavirus mais plus par rapport au massacre en Afrique, c’est vachement pesant.
Ben-Vida : Je me sens bien au niveau personnel parce qu’au niveau de mes projets ça va il y a des choses qui prennent forme. Mais après quand je pense à la société dans laquelle on est et dans quel état elle est ça me fait très peur. J’ai peur, je suis en colère, je suis dans un paradoxe entre ma vie à moi et ma place dans la société.
Souméya : L’actualité est super pesante c’est vrai, disons que je fais attention à me protéger de l’hyper information quand je sens que j’y suis trop sensible, pas prête émotionnellement. Je protège aussi mon entourage, je prends des nouvelles de mes proches, on fait avec.
Sephora : Je vais bien, mais en ce qui concerne l’actualité, je me sens assez démunie. Je n’arrive pas trop à voir quelles solutions je peux apporter. J’essaye tout de même de m’informer et surtout de partager les infos. Néanmoins j’évite à tout prix de voir des contenus trop violents car je sais que ceux-ci peuvent m’atteindre de manière intense. La situation au Congo (RDC) par exemple me touche plus particulièrement car je suis d’origine congolaise, et ça m’attriste de savoir que mon peuple souffre.
Dans une ancienne interview, vous expliquiez ce que signifiait “décoloniser les arts” pour vous. Mais comment on décolonise les arts ?
Kim : Je trouve qu’on est encore en train d’apprendre la définition de décoloniser les arts. On évolue dans un milieu ou chacun s ‘inspire des autres et c’est de plus en plus difficile de créer sa propre identité. C’est archi vaste et archi précis quand on sait qui on est et quand on sait les messages qu’on veut faire passer mais c’est difficile parce qu’on est pas tout le monde, on a chacun notre identité. Ma façon de décoloniser les arts sera différente de celle de Sarah. C’est une définition qu’on réapprend tous les jours.
Ben-Vida : On décolonise les arts en laissant les personnes qui n’ont pas leur représentation créer leur vison de l’art, on leur donne accès à l’art. Moi en tant que femme noire j’ai pas la même vison des arts qu’une femme blanche ou qu’un homme blanc. Décoloniser les arts c’est nous rendre les arts, je pense par exemple aux œuvres du quai branly qui sont réclamées par les pays d’où elles viennent. C’est rendre ce qu’on a pris pendant la colonialisation aux pays d’Afrique notamment. C’est donner l’accès et rendre ce qui appartient aux minorités racisées.
Souméya : On « décolonise les arts » en permettant une accessibilité équitable à la création artistique et la compréhension de l’histoire de l’art. Pour ça on a plusieurs leviers sur lesquels jouer, on collabore avec des créateurs, on transmet des savoirs… On déconstruit pour mieux reconstruire.
Anna : On les décolonise par la réappropriation des arts, des termes employés, et des clichés habituels. Que ce soit par la peinture, le dessin, la photo, on reprend notre histoire en mains et on en fait quelque chose de magique.
Comment vous décrirez ExtraMuseClub ?
Sarah : C’est un gros patchwork !
Kim : Pour moi Extramuseclub c’est une palette de peinture, c’est de la sculpture, du papier photo, de la poterie, en même temps faits par plusieurs meufs qui sont pas faites pour faire ça. C’est un mashup.
Ben-Vida : Pour moi c’est une safe zone, un endroit où j’ai pas peur d’être jugée. Je sais que si je veux apporter quelque chose j’aurais du soutien.
Vous travaillez actuellement autour de photoshoots, vous avez d’autres projets sur le long terme ? Si oui, pourriez-vous en parler ?
Sarah : Prochainement on a le ExtraTalk. Ce sera des groupes de discussions sur un thème particulier. Là le thème c’est “Les croyances et religions traditionnelles avant colonisation : un héritage perdu ?”. On va faire ça une fois par mois. Ensuite on va essayer de mettre en place une exposition, là c’est pas facile avec le Covid parce qu’on voulait faire une exposition concert avec un espace collaboration, un mur pour poser son œuvre. Après on a le podcast qui va s’appeler ExtraTalk, mais celui-là on va le faire fin d’année prochaine.
PROJET EUPHORIA
On est ensemble aujourd’hui pour le projet Euphoria, pourriez-vous le présenter ?
Kim : L’idée du shoot vient d’une réunion qu’on avait eu. Je ne me sentais pas incluse car je ne me sens pas représentée dans la définition de femme et d’homme, je suis pas non-binaire mais la façon dont ExtraMuseClub a été créée a fait que des fois je me sentais pas représentée parce que c’était une version féminine catégorisée. C’est comme ça que Sarah a eu l’idée du shoot Euphoria. Euphoria c’est le pas en avant qu’on essaye de faire pour inclure tout le monde. Le témoin qui montre qu’on s’écoute et qu’on écoute les autres hors extramuseclub.
Ben-Vida : C’est Sarah qui a apporté le projet. Quand on m’en a parlé j’ai directement pensé à la série Euphoria : un monde de paillettes, d’excitation, mais c’est aussi comme tous nos autres shootings un moyen de mettre en avant des personnes qu’on voit pas forcément partout, des personnes NB, transgenre, c’est d’autant plus important car au sein de ma communauté ce sont des personnes qu’on prend encore moins en compte. C’est l’occasion de casser tout ça.
Comment vous trouvez l’inspiration ?
Kim : Ca m’arrive au milieu de la nuit. Quand j’écoute de la musique… Je peux pas dire que ça part de rien parce que c’est forcément un mix des images que je vois, des choses que je lis sur les réseaux sociaux, de ce que j’aimerais être et faire.
Sarah : Pour moi c’est beaucoup Pinterest. Je passe mes journées dessus. J’aime beaucoup les photos éditos donc je regarde beaucoup de magazines.
Ben-Vida : Moi à la base j’écris, pour trouver l’inspiration c’est soit un besoin de remplir un manque, soit un esthétique que j’ai envie de refaire à ma sauce. J’écris des fictions, je m’essaye à la poésie…
Laura : Chacune apporte son aspiration, ses envies, et on en discute. Cela peut venir d’un problème de société ou d’un simple film mais généralement cette inspiration provient de notre expérience respective de la vie. Et chacune apporte sa pierre à chaque projet si elle se sent, évidemment, concernée.
Sephora : Personnellement je trouve mon inspiration principale dans tout ce qui m’entoure. Je trouve qu’en vrai l’élement le plus dur c’est de mener à bien le projet et de ne pas perdre espoir en cours de route.
Souméya : L’inspiration pour nos projets on la trouve grâce à notre entourage, aux questions que notre génération se pose. On laisse de la place pour les idées audacieuses, la confiance qui règne entre nous permet de ne pas s’autocensurer.
Anna : Moi personnellement, des discussions qui m’entourent, qui créent un réel débat. Et je me dis « Comment on va casser les codes sur ce sujet ? »

Quoi de prévu pour la suite ?
Anna : Pour la suite ? Disons simplement que je vous laisse nous suivre pour mieux le découvrir.
Sephora : Pour la suite, encore plein de projets, plein de collaborations… et surtout de l’art à gogo !
Merci encore ExtraMuseClub pour cette interview ! Vous pouvez aller découvrir leur travail sur leur compte Instagram juste ici.