FLECH KANN, LE RAPPEL DES TRADITIONS ANTILLAISES DANS LA MODE ACTUELLE

Emmanuelle (iel/they) a seulement 23 ans, et alors qu’iel est en deuxième année de BTS Design de la mode et du vêtement à Paris, iel a créé sa propre marque de vêtements et d’accessoires. Martiniquai·se, Emmanuelle a pour but à travers sa marque de mélanger les traditions Antillaises à la mode actuelle. INTERVIEW.

EMMANUELLE REND HOMMAGE AUX TRADITIONS ANTILLAISES

Pourquoi Flech Kann ?

Ça signifie “flèche de canne” en Créole et c’est la fleur qui pousse sur la canne à sucre. Je cherchais un nom pour la marque et je tenais absolument à ce que ça soit un mot en Créole alors j’ai ouvert un dictionnaire en Créole, j’ai trouvé “flech kann” et sachant que la fleur de la canne à sucre a une seule fleur c’est le côté unique de la fleur qui m’a fait garder ce nom.

Comment définirais-tu ta marque ? 

C’est une marque Antillaise, un univers très acide car il y a beaucoup de couleurs et j’aime les choses acides. C’est du street wear Antillais. J’ai voulu mélanger les codes du costume traditionnel Antillais à la mode actuelle parce que je voulais que les jeunes de mon âge reportent les tissus traditionnels et les anciennes tendances.
Mon principal objectif est de bosser le Madras. Le tissu Madras qui vient d’Inde mais qui à l’heure actuelle tient une place d’honneur au costume traditionnel Antillais. Le problème c’est que les magasins qui travaillent le Madras – qui est un super tissu pour la Martinique parce qu’il est très léger – ne font pas de coupes modernes donc plus personne ne porte du Madras. Les gens préfèrent porter des jeans alors qu’il fait 32 degrés donc je me suis dit que je voulais changer ça. Tout est parti d’une chemise et là je commence à essayer plusieurs choses juste en gardant le motif et en le retravaillant.

Qui et quelles sont tes inspirations ? 

Ma plus grosse inspiration c’est ce que je suis, une personne non-binaire queer racisée. Ensuite ce sont  mes proches, mes amies et ma soeur. Je trouve aussi beaucoup d’inspiration avec ce que je vois sur les réseaux sociaux ou dans la rue, les Drag Queens, les DESSINS ANIMÉS, surtout les dessins animés des années 2000 qui me faisaient rêver comme les Winx, les Witch, les Totally Spies… Et dans un autre registre, Phénomène Raven !! 

Dirais-tu que ta marque est inclusive ? 

Dans tous les cas c’est l’un de mes principaux objectifs. Étant donné que je fais principalement des commandes personnalisées, tout-un-chacun  est libre de me demander ce qu’iels souhaitent. Mes interdits sont l’appropriation et les skinny jeans.
Une certaine pseudo styliste a réussi à faire croire qu’on ne peut pas porter certains vêtements selon son âge, sa taille, sa morphologie, son genre voire même sa sexualité. C’est du bullshit. Portez ce que vous aimez, vous êtes beaux/belles dans ce que vous aimez porter parce que vous êtes beaux/belles quand vous êtes heureux.se.
Et si ce que vous aimez porter n’existe pas encore, envoyez un message à Flech Kann *clin d’œil*

En tant qu’étudiant·e de mode, tu sais qu’il s’agit d’une industrie extrêmement polluante. Es-tu engagé·e pour l’écologie ? 

Oui. Mais c’est assez compliqué de l’appliquer. Concernant Flech Kann c’est surtout au niveau du tissus qu’il peut y avoir du gaspillage, alors pour l’instant je garde toutes les chutes de tissus de commandes passées afin de les réutiliser plus tard. Me concernant j’évite de surconsommer, je recycle dans des bennes prévu à cet effet les tissus et vêtements en fin de vie.
Et honnêtement avec ce qu’on apprend en cours je me demande vraiment si ça a une utilité mais je pense que le mieux reste de le faire.
Je me sens un peu complice par moment, je culpabilise d’avoir choisi ce secteur mais j’essaye de me rassurer en me disant qu’on ne peut pas vaincre ce qu’on ne connaît pas.

Quel est ton mode de consommation de la mode ?

Depuis que je crée des vêtements j’en achète beaucoup moins. Sinon ma soeur et mes amies très proches (qui prennent toutes extrêmement soin de leurs affaires) me donnent ce qu’elles ne veulent ou ne peuvent plus porter et soit je les récupère pour moi soit je les range pour l’un de mes projets futurs ; une fois que j’aurais fini mes études j’aimerais créer une extension de Flech Kann où je pourrais vendre des vêtements vintage que j’aurais mis à jour. On appelle ça de l’upcycling mais je trouve que c’est un terme prétentieux donc on va juste dire vêtements vintage. Et si les vêtements sont  irrécupérables c’est direction la benne. Mon dernier achat étant un crop top noir et un autre blanc en Septembre dernier. Ce sont les seules choses que je continue d’acheter.

Comment imagines-tu le futur de ta marque ?

Je compte arrêter mes études et prendre un emploi à temps partiel à la rentrée pour avoir plus de temps pour  Flech Kann, pouvoir construire un site, faire quelque chose de pro tout en continuant d’apprendre d’une certaine façon, peut-être en suivant des cours du soir.
Je me suis donnée 2 ans, donc je vais prendre mon temps, poster plus de vêtements comme une série de pièces uniques. Mon but n’est pas de créer une franchise pour ma marque, mais d’avoir mon petit atelier qui sera en Martinique. 

Des conseils pour celleux qui veulent se lancer dans le monde de la mode ? 

Le premier conseil : mettre son ego dans sa poche mais garder sa dignité pour ne pas se faire écraser en école de mode. L’égo sera mis à rude épreuve, il faudra ne pas être trop dur·e avec soi-même.
Si vous avez gouté et que vous n’aimez pas il n’y a pas de soucis, si vous avez réalisé très tard que vous vouliez le faire faites le, personne n’a de retard chacun·e a son rythme. Et n’hésitez pas à regarder les formations pro du monde de la mode que l’état propose que ce soit CAP, BTS, en maroquinerie, cuir etc.. C’est riche.  
Je dirais surtout qu’il faut être reconnaissant·e parce que dans le monde de la mode il y a beaucoup d’ingrat·es. La reconnaissance ouvre des portes. 

Merci Emmanuelle pour cette interview ! Retrouvez son travail sur son compte Instagram, iel reprendra bientôt les commandes alors soyez à l’affût !

Écrit par Elena Gaudé.