GEORGIE PRÉSENTE PUNC : PAS UNE NOUVELLE COLLECTION

Georgie Salama, aussi connue sous le nom de Gigie Couture, est une jeune créatrice de mode éco-responsable et féministe. Pour la sortie de sa “non-nouvelle” collection PUNC, elle a accepté d’en dire un peu plus sur elle et son parcours. 

Comment commence ton histoire avec la mode ?

La mode était une vocation pour moi, c’était évident au collège que c’était ce que je voulais faire de ma vie. J’ai quand même fait un bac scientifique pour rassurer mes parents et après j’ai fait une école de mode privée sur Paris donc qui coûtait excessivement cher, mais j’ai été major de ma promo. 

Ça a vraiment été une révélation puisque j’ai compris que j’étais à ma place. J’ai ensuite fait un stage de 6mois pour valider mon diplôme qui ne s’est pas vraiment bien passé, j’ai été un peu déçue de l’envers du décor et je me suis rendue compte que je n’étais pas vraiment faite pour le salariat. J’ai commencé à poster un peu sur Instagram les créations que j’avais réalisées, et c’est comme ça que je me suis créée mon petit réseau. Je pense que je ne ferais pas ce que je fais aujourd’hui sans ce réseau social. 

Quelle a été ton expérience en école de mode ?

Il y a une sorte d’expérience universelle. On paye des sommes astronomiques, on nous appâte en disant qu’il y a un réseau professionnel intéressant et en réalité il n’y a aucun accompagnement par la suite. Aucun accompagnement même pendant cette dernière année de stage. Je l’ai faite pendant l’année du covid et l’école voulait quand même nous faire payer 1000euros l’année de stage. Les parents ont râlé et ont réussi à l’avoir gratuitement mais il a fallu le réclamer, se battre, alors qu’au vu du contexte sanitaire c’était la moindre des choses… 

Et moi ce qui m’avait fait très mal c’est que pendant ces 3ans j’ai été super soutenue par le corps enseignant, ils aimaient mon travail, et ça m’a montrée que même si je ramenais 17/18 de moyenne j’étais laissée derrière. La première année avait été atroce, on avait refusé un prêt à mes parents, c’était donc rempli de stress, mes parents avaient avancé l’année et à côté des cours j’enchaînais 2 jobs étudiants. Finalement grâce à une bonne étoile on a fini par avoir un prêt de 27 000 pour couvrir les 3 années que je commence d’ailleurs à rembourser… Donc me dire que j’ai vécu tout ce bourbier pour au final me dire que j’étais abandonnée après c’était compliqué à accepter. Mais j’ai quand même aimé l’école dans laquelle j’ai été parce que je pars du principe que je devais y être pour une bonne raison. 

GEORGIE ET L’AME DE PUNC

Comment est née Gigie Couture ?

Je ne communique pas trop en tant que marque qui est quand même beaucoup plus polluante, je suis plutôt à l’échelle de créatrice. Je crée des collections quand je peux me le permettre, j’aide les artistes dans leur développement… Je te mentirais si je te disais que je n’aimerais pas faire des défilés par la suite et vendre plus de vêtements mais c’est vrai que j’entends tellement de gens me dire « je veux ma marque je veux ma marque » que j’ai l’impression que c’est un peu un egotrip. Ce truc de « je veux ma marque » sans penser aux conséquences de ce qu’il y a derrière.

Je ne veux pas être dans un egotrip, si un jour je te dis que je suis une marque, c’est que vraiment j’ai pensé le truc à 360 et que je sais que quoi qu’il arrive j’aurais un message à faire passer, que je ne vais pas polluer, et bien embaucher. La question de l’embauche est hyper importante pour moi parce que j’ai été dans un stage pendant 6mois où j’ai fini par avoir la boule au ventre en y allant. D’ici là, je ne peux pas dire que je suis une marque, ça a trop d’impact. Même moi à mon échelle de jeune créatrice je pollue, j’ai quand même des petites chutes que je ne peux pas récupérer.

Est-ce qu’on peut vraiment être une marque éthique si on crée quelque chose de nouveau et donc qu’on soit polluant ? 

En soit oui, je pense à Marine Serre que j’adore et je trouve qu’elle a trouvé un modèle qui n’existait pas forcément avant et je trouve sa manière de communication hyper forte. Elle ou Botter, j’adore le fait qu’ils ne fassent que 2 collections par an, parfois juste une. Je trouve ça trop fort le fait de dire “écoutez nous on ne va pas faire 10 collections par an.” C’est ridicule d’ailleurs d’en faire autant. C’est sûr qu’ils ont des pertes mais j’espère en tout cas qu’ils trouvent les moyens à chaque fois de les minimiser. Après le problème quand t’es éco-responsable,  c’est quand les gens de l’industrie pointent du doigt ce qui ne va pas. Il y a déjà des efforts colossaux qui sont faits. Venez on fait déjà chacun des efforts avant de pointer du doigt les gens qui en font. Pourquoi toujours les blâmer sur le fait qu’ils fassent des écarts ? 

T’aimerais te positionner comment par rapport au nombre de collections par an ? 

Je pense que j’aimerais réussir à en faire une par an avec potentiellement un défilé et vraiment garder cet esprit de pièce unique. Aucune pièce ne se ressemblera. Et après pourquoi pas des collections capsules avec des marques ou des personnes. 

Tu viens de sortir PUNC (Pas Une Nouvelle Collection), tu peux nous en parler ? 

J’ai des petits soucis de logistique donc je passe par une étape un peu charnière dans mon entreprise et je savais qu’il n’était pas possible pour moi de recréer une nouvelle collection. Même en terme de budget ce n’était pas possible. Je réfléchissais à comment réinventer avec ce que j’avais. Sachant que j’ai énormément de pièces, même si ça ne se voit pas forcément sur mon Instagram mais j’en ai plus d’une centaine, et je me disais que c’était dommage de ne pas pouvoir les réutiliser. J’y ai réfléchi et je me suis dit : et si je ne faisais pas une nouvelle collection ? Je me suis rendue que « pas une nouvelle collection » quand je prenais la première lettre de chaque mot ça donnait PUNC. Et je me suis dit que j’allais appeler cette non nouvelle collection punc et par la suite je me suis inspirée du mouvement punk comme on le connait. On a réutilisé certaines de mes pièces qu’on a détourné, l’idée c’était de les montrer d’une nouvelle façon. On a mis les pantalons à l’envers, quelques tops aussi et on a constitué avec Louison et Sidonie un set design où on a mis une pile de vêtements que j’avais déjà fait.

En tant que jeune créatrice, ressens-tu la pression de justifier tes tarifs ?

Tu touches un bon point parce que c’est vrai que c’est mon combat depuis que j’ai lancé ma freelance. J’ai été confrontée à certaines personnes qui ne comprennent pas l’ampleur de ce que je fais. On a grandi avec l’habitude d’acheter une chemise à 20€, donc comment expliquer qu’une chemise, quand moi je la fais avec tout ce que ça engendre, je ne peux pas la vendre en dessous de 400/500€ ? C’est hyper compliqué, et quand je fais mes tarifs je me rends compte que même avec ces tarifs là je suis perdante . 

SLOW FASHION VIE

Pour reprendre l’exemple de la chemise à 20€, t’en penses quoi de la place de la fast fashion dans le milieu ? 

Je ne comprends pas comment les shein et compagnie se sont mis à faire des défilés, comme s’ils apportaient quelque chose de prestigieux alors qu’il y a aucune qualité derrière. C’était ça aussi mon fonctionnement derrière PUNC. C’était le fait de me dire que maintenant on fait des collections de plus en plus vite. Mais si on faisait l’inverse ? Si on produisait de moins en moins pour qu’ils n’aient rien à recopier ? Parce qu’au final ils n’inventent rien. C’est de la reproduction, donc si au bout d’un moment ils n’ont plus rien à copier qu’est-ce qu’il vont faire ? Pourquoi continuer à aller plus vite alors que la solution est juste de ralentir ? C’est vraiment le principe de slow fashion. Venez on se calme, pourquoi on veut aller si vite ? 

Et que penses-tu de la fashion week et de la vitesse derrière chaque nouvelle collection ?

Le principe de fashion week je le conçois c’est ce qui permet une certaine économie. Il y a tout un système élaboré autour de ça, soit tu acceptes de rentrer dedans soit tu refuses.  Après j’ai vu les enjeux qu’il y avait autour de la fashion week par rapport aux personnes qui se déplaçaient pour 2 jours à Milan, qui prenaient l’avion etc…

Le positionnement je trouve qu’il est délicat. Je pense que c’est surtout une question de quantité. Il en faut moins, Il faudrait qu’il y ait 2 rendez-vous annuels maximum et on s’arrête là. Et puis je ne comprends pas pourquoi il y a une fashion week homme et une fashion week femme. On est dans une ère où on te parle de non genrés, de gender fluid, on est censé.es montrer l’exemple dans le milieu de la mode alors venez on arrête de faire des fashion week genrées. C’est comme quand tu vas dans des magasins il y a encore des rayons « femme » et « homme » qui n’ont plus lieu d’être. Il y a tout un monde à recréer mine de rien. Il faut changer ces mentalités.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

D’être épanouie, de trouver une harmonie pour la suite.

crédits photos :

modèles : @lazulibb, @sutuswing, @winonaattal,@sarhaehfar
photographe : @2tiret
designer : @georgiesalama
styling : @ludo.moccia & georgiesalama
makeup : @_swan.a_  @lena_gelso
hair : @salowigs  
set design : @louisonleama
designer print : @_sidtosid & georgiesalama
assistante DA : @_sidtosid