LA RÉALITÉ DERRIÈRE LES ÉCOLES DE MODE

 

Source : IFM

La rentrée approche et certain·e·s parmi vous vont entrer en école de mode, ou ont pour projet d’y aller dans les années à venir. En tant qu’ancienne étudiante de mode (j’ai été diplômée en février 2021) je me suis dit qu’un article sur la réalité derrière les écoles de mode pourrait en aider plus d’un·e. Le but n’est pas de vous faire fuir dès le 1er jour de votre rentrée ou d’abandonner vos projets mais plutôt de vous donner les infos nécessaires avant d’y aller. Car malheureusement ce monde est encore trop entouré d’illusions, et ça fait mal quand on se rend compte de la réalité qui se cache derrière les Stockman. 

En vous disant tout ce que je m’apprête à vous dire, je sais que je vais sûrement passer pour une briseuse de rêves. Mais pour être honnête, si je voulais vraiment briser vos rêves, je ne vous dirais rien de tout ça. Parce que le fait de savoir ce qu’il va se passer vous donne l’avantage de vous y préparer et mieux gérer la suite. Mais si vous ne savez pas ce que vous allez traverser comme épreuve – comme moi à mon entrée en 1ère année, la tête remplie d’illusions – vous allez vous prendre une grosse claque de réalité qui fait mal. Certain·e·s sortent de l’école dégouté·e·s de la mode, et pour moi, c’est ça qui brise leur rêve. Alors avant d’être aveuglé·e·s par les lumières du runway, voici quelques infos à savoir.

LE SUPERFICIEL DÉPASSERA TOUJOURS LE CRÉATIF

Je pense qu’il s’agit là de la plus grosse arnaque du monde de la mode, et personne n’en parle. En 3 ans d’école, je me suis rendue compte qu’il y avait des profils différents d’élèves : les fils et filles de, les bourgeois·e·s, les “tchatcheurs” et les créatifs. Les deux premières catégories seront toujours privilégiées par rapport à la dernière. Je m’explique, les gens qui se font remarquer sont généralement ceux qui se donnent un genre à travers leur style et leur façon de parler mais il suffit de se pencher sur le travail pour voir que celui-ci est vide et dénué de sens. Leur seule créativité repose sur leur apparence et superficialité. Et pourtant ce sont eux à qui seront offerts les jobs. Ce sont un peu les gens du marketing, qui suivent une formation Design de mode parce que “c’est plus stylé” dans le CV qu’une formation marketing.

Concernant la formation, autant que vous le sachiez maintenant, les profs ne sont pas objectifs. S’ils n’aiment pas votre travail, peu importe la technique et le talent impliqués, vous n’aurez pas une bonne note. Ils joueront aussi beaucoup sur le favoritisme, et vous savez déjà quels élèves ils préfèrent. Ça peut être angoissant mais sachez que votre travail n’a rien à voir avec ça et que vous devez continuer à le défendre, parce que personne ne le fera à votre place.

Source : 2nd Try
LE CONCEPT DE SANTÉ MENTALE N’EXISTE PAS

En plus d’être tout le temps remis en question par le monde extérieur concernant la légitimité des métiers du monde de la mode, le diplôme Designer de Mode place ses étudiant·e·s sous un stress unique, autant émotionnel que financier et créatif. En effet, l’anxiété autour de la mode est unique puisque le travail parait interminable, il y a toujours plus à faire. On a l’impression de passer des heures sur un projet qui peut toujours être amélioré, et peut être facilement réduit en poussière par les critiques. On croule sous le travail constamment, le tout sans aucune reconnaissance de notre travail. On enchaine les nuits blanches, les mental break-down, les projets à terminer… Je ne compte pas le nombre d’étudiant·e·s qui ont pleuré en cours à cause de certaines remarques de profs.

Votre santé mentale sera mise à rude épreuve. Si je peux donner quelques conseils, évitez un maximum les nuits blanches, autant faire une sieste de 2h et se remettre au travail. On ne dirait pas, mais il faut 6 mois pour que votre corps se remette d’une nuit blanche. Mais quitte à faire une nuit blanche, je vous recommande de la faire avec vos proches, comme ça vous pourrez vous aider avant la date d’un rendu et vous ne risquerez pas de vous endormir – je ne vous cache pas, j’ai fini plusieurs fois à m’endormir sur mon projet au milieu de mon salon. Sinon, faites vous une bonne playlist pour vous tenir éveillé et stimulé, buvez du café ou boisson énergisante… Nuits blanches mises de côté, vous devrez durcir votre mental, surtout face aux remarques des profs. Votre égo se fera piétiner, il ne faudra pas céder. Et pour finir, le plus dur, vous devez croire en vous et en votre travail. Vous êtes là pour une bonne raison, vous allez vous améliorer et trouver votre univers créatif au fur et à mesure des années, alors ne vous rajoutez pas une pression supplémentaire sur les épaules, et ne vous COMPAREZ PAS. 

Source : 2nd Try
LA SORTIE D’ÉCOLE

Bien que de nombreuses personnes soient de plus en plus attirées par le monde de la mode grâce à l’industrie qui évolue sur les réseaux sociaux et à la télé (on ne compte plus le nombre de séries super glamour sur ce milieu), les métiers de la mode, eux, ne se sont pas multipliés. C’est-à-dire que le marché est saturé et que tou·te·s les jeunes diplômé·e·s se retrouvent face à un mur, puisque non seulement les postes sont inexistants, mais les rares sur le marché sont d’office réservés aux “fils de” et autres contacts. Et la crise sanitaire n’a rien arrangé puisque de nombreuses entreprises ont soit coulé, soit perdu énormément d’argent et ne peuvent plus embaucher de nouvelles personnes. Il va falloir attendre un bon moment avant que le secteur de la mode ne se relance totalement, alors préparez-vous à ne pas trouver le job de vos rêves une fois votre diplôme en main, peu importe votre niveau (sauf si vous connaissez des gens). C’est une triste réalité mais seulement 30% des jeunes diplômé·e·s trouvent un job après un an tandis que 70% en trouvent un après 3ans.

Au-delà du marché saturé, ne comptez pas sur votre école pour vous aider à trouver un stage ou un métier. C’est d’ailleurs assez “drôle” puisque je pensais que seulement mon école était comme ça, et j’ai écouté et lu plusieurs témoignages de personnes d’autres écoles qui disaient la même chose. Le média I-D a d’ailleurs un article très intéressant sur le stress que cela procure, je vous laisse le lien juste ici. Le moment où j’ai reçu mon diplôme, je n’ai plus jamais eu de nouvelles de mon école, qui pourtant, lors des journées portes ouvertes, m’avait assurée qu’elle accompagnait les jeunes diplômé·e·s à la recherche d’un emploi, qu’elle avait un réseau d’ancien·ne·s élèves, blablabla… La même école qui a eu l’audace de me dire de prendre mes futur·e·s stagiaires chez elle, alors qu’elle ne m’a jamais aidée à dégoter un seul contact pour un stage ou un emploi. Je sais à quel point c’est frustrant d’avoir investi énormément d’argent, de temps, d’incalculables nuits blanches et j’en passe pour recevoir une tape dans le dos une fois le diplôme en main. On a cette amère impression d’avoir fait tout ça pour rien. Mais je crois en nous, je sais qu’on peut apporter quelque chose de nouveau à ce milieu impitoyable et qu’on s’en sortira. 

Écrit par Elena Gaudé.