UNTUCKED, LA FRIPERIE AUTHENTIQUE

Alex, gérant d’Untucked

2nd Try est parti à la rencontre d’Alexandre, le gérant de la friperie Untucked, qui a la particularité de proposer des petits prix fixes : de 2€ à 35€. Il propose en plus une sélection soignée et des pièces dans toutes les tailles et pour tous les styles. INTERVIEW.

“Il FAUT ARRIVER À SORTIR DE LA FAST-FASHION POUR SE RENDRE COMPTE QUE LE BEAU SE TROUVE AILLEURS”

Avant de commencer, pourrais-tu te présenter ? 

Je m’appelle Alexandre et j’ai fondé ma friperie il y a maintenant 6 mois. Avant ça j’étais prof d’anglais et en parallèle je faisais du stand up. J’avais fait quelques dates au Point Virgule et je me suis dis qu’il fallait que j’arrête puisque ça ne me rendait pas heureux, donc je me suis concentré sur mon métier de prof. Et je me suis dis qu’il fallait que j’arrête, ça ne me rendait pas heureux non plus. J’ai essayé de trouver le truc qui me faisait me lever à 5 ou 6 h et je me suis dit “tu as la réponse depuis toujours, tu chines comme personne c’est une obsession donc il faut que t’en fasses quelque chose”. J’ai commencé mes showroom chez moi avec ma petite communauté. J’ai pu ramener pas mal de monde et à partir de ce moment là je me suis dit ok il faut que tu te bouges le cul pour ouvrir une friperie. And I fucking did ! 

En plus d’être esthétiquement incroyable, ta friperie se différencie des autres au niveau des prix. Ce n’est pas tous les jours que tu peux acheter une veste Schott ou un top Mugler à 35€. Peux-tu expliquer cette différence ?

Alors je suis assez partagé sur ce sujet-là, je sais que je n’augmenterais jamais mes prix parce que mentalement moi-même je ne peux pas mettre plus de 40 balles dans une pièce. C’était déjà très dur pour moi de mettre 35 alors que je sais que ce n’est évidemment pas cher.  Le métier de fripier c’est quelqu’un qui va chiner ses pièces et les sélectionner à la base. Ce n’est pas quelqu’un qui reçoit des sacs de 50 kilos et qui les retrie sur portant. Pour moi c’est important dans le métier de trier et négocier chaque pièce à la source. Forcément, ça prend 3 fois plus de temps, je travaille entre 70 et 80h par semaine mais comme c’est un métier de passion tu n’es pas censé faire ressentir le prix sur ton temps de travail. 

Tu disais qu’il était important de trier et négocier chaque pièce à sa source, quelle est ta source ? 

La source c’est de partout. En fait ce dont on ne se rend pas compte c’est de tous les vêtements qu’on a déjà produits en France, même à l’étranger. On peut chiner de partout si on arrive à être assez convaincant. Par exemple j’ai fait un vide-grenier et une dame me disait “c’est dommage vous auriez dû venir plus tôt j’en ai plein d’autres dans mon grenier” je lui ai dit de prendre mon numéro pour aller voir ses pièces qu’elle ne voulait plus. C’est une sorte de porte-à-porte, il faut savoir aller récupérer les vêtements. Donc vide-grenier, vinted, vide-maison ,porte-à-porte… Quand je veux une pièce, je fais tout pour l’avoir. Mon objectif était de vendre du luxe à 35€ – pour l’instant j’ai réussi. Il faut toujours chercher, si je ne chine pas pendant 2/3 jours j’ai vraiment l’impression de ne pas avoir fait mon travail. 

Pourquoi ouvrir une friperie ? D’où te vient cette passion de chiner ? 

Je chine depuis que j’ai 8ans, je viens d’une famille qui n’a pas de flouz du tout et je remarquais que ce que je voyais dans les vide-greniers je le retrouvais sur mes potes à l’école. C’est là où j’ai commencé à me dire qu’il y avait peut-être une couille dans le pâté. Donc j’ai commencé à chiner des vêtements petit à petit quand j’ai compris que je pouvais accéder à une mode beaucoup moins chère. Je ne me faisais pas encore plaisir, je n’avais pas encore fait mon coming-out et au final quand j’ai fait mon CO ça a été le moment où j’ai décidé d’explorer avec mon style. C’est il y a seulement quelques années que j’ai commencé à acheter uniquement en seconde main. Je fais très très peu de fast-fashion, ça m’arrive pour des chaussures ou pour certains basiques.

Que représente la mode pour toi ? 

Plus j’avance, plus pour moi la mode c’est se sentir parfaitement bien dans ses fringues et aussi parfois un peu choquer, un peu provoquer, j’adore le genderfucking. J’assume de plus en plus, avant je n’osais pas mettre de crop top, les pantalons très 70s pattes d’eph je les voyais à la télé je me disais c’est ouffissime mais j’ai jamais osé les mettre. A un moment je me suis dit que j’allais mettre exactement ce que je veux. Il y a aussi une question de sortir du schéma qu’on nous impose de Bershka Pull&Bear et tous les trucs de fast-fashion, il faut arriver à sortir de là pour se rendre compte que le beau se trouve ailleurs. 

Tu parlais de genderfucking, quels conseils peux-tu donner à ceux qui veulent essayer ? 

Ça m’est déjà arrivé que quelques mecs rentrent dans la boutique et me disent qu’ils trouvent ça beau mais n’osent pas, je les conseille en leur proposant des tenues et au final ils se sentent trop frais. Encore une fois il faut expérimenter, essayer et être dans un endroit safe aussi. C’est possible de se sentir jugé, d’entendre des réflexions, et il faut savoir que nous ici, on essaye vraiment d’être inclusifs donc il n’y aura jamais de jugement. 

“WEAR WHATEVER THE FUCK YOU WANT”

Quand as-tu eu le déclic par rapport à la fast-fashion ? 

J’ai eu quelques phases par rapport à tout ça, d’abord j’étais pauvre as fuck, après j’ai eu les moyens de pouvoir m’acheter du fast-fashion et j’en achetais à profusion. Mais après je me suis rendu compte de la qualité de merde et je me suis rendu compte que c’était de meilleure qualité avant. Les vêtements tiennent, les coupes sont plus originales… Donc ouais, j’ai eu ces 3 phases : d’abord pauvre, ensuite fast-fashion à profusion et après l’envie d’une meilleure qualité et d’une conscience éco par la même occasion. Je me suis rendu compte de l’empreinte écologique derrière et je t’avoue que je sens que ma conscience est meilleure. Je donne aussi beaucoup à des recycleries mais je pourrais encore faire plus et on peut constamment s’améliorer. Je suis quand même plutôt militant de base donc je veux que ça se ressente à travers mon travail. D’où Untucked. 

Tu milites pour quelles autres causes ? 

De base je suis féministe, enfin c’est bizarre de dire ça puisque c’est la normalité. Je fais pas mal de marches, j’essaye d’utiliser ma voix sans prendre la parole aux concerné·e·s. Il y a une photo de moi et de mon copain où on s’embrasse devant des flics qui nous regardent bizarrement, c’est le genre de militant que je suis, j’aime bien faire chier le patriarcat. 

La mode de seconde main entraine un problème avec elle : la surconsommation. Comment consommes-tu la mode?

Ma consommation n’est pas bonne, enfin je ne sais pas si c’est vraiment pas bon faudrait que quelqu’un me dise “tu fais de la merde” pour que je comprenne. Le truc c’est que j’aime changer de tenues régulièrement, me sentir nouveau régulièrement, parce que j’ai un travail qui est chronophage je suis h24 dans des sacs, j’ai besoin de me sentir nouveau et frais quand je mets une tenue. Mais ce que je fais c’est que je fais énormément tourner mes habits, j’ai peu d’attachement à mes fringues. Je les fais vraiment tourner, je les remets en boutique, je les revends ou je les donne. 

D’ailleurs aurais-tu des conseils pour celleux qui ont envie de changer leur mode de consommation ? 

Alors moi je leur conseille déjà de regarder sur les réseaux sociaux et de s’inspirer de quelques personnes qu’on trouve cool et d’arrêter de dire “c’est beau sur eux mais pas sur moi” c’est le seul problème qu’on a en général, on est matrixé par la société pour se sentir comme une merde. Un autre conseil que je donnerais c’est ESSAYER. le plus possible. Si t’as pas beaucoup de sous, t’essayes les produits du bac (2€), pour 5 pièces t’en as pour 8€ (NDLR : chez Untucked, la 5ème pièce est offerte). Tu testes de nouvelles choses, tu regardes comment tu te sens dans la tenue sans parler de formes et de colorimétrie parce que we don’t give a fucking fuck, wear whatever the fuck you want. Essaye, fais des expériences. Changer son mode de consommation pour moi c’est vraiment faire des expériences. 

Et pour finir, c’est quoi pour toi le guide à suivre pour mieux shopper ? 

Premièrement, se fixer une limite par vêtements. C’est pour ça qu’ici on a voulu faire des prix fixes. C’est-à-dire je ne dépenserais pas plus de 40€ pour une veste. Deuxièmement, expérimenter, essayer des nouveaux vêtements. Troisièmement je dirais ne pas laisser le vêtement t’atteindre quand tu as des body issues. Si tu as une paire de chaussures qui est trop petite tu vas prendre la pointure au dessus. Same shit here. C’est le vêtement qui ne va pas c’est pas toi qui va pas. Il faut vraiment se mettre dans la tête : YOU’RE NOT THE PROBLEM. Et pour finir trouver les bonnes adresses pour ne plus avoir besoin d’aller chez Zara etc. 

(NDLR : dernier point du guide ultime, aller shopper chez Untucked :))

Merci Alex pour cette interview !
Vous pouvez retrouver Untucked au 94 Bd Poniatowski, 75012 Paris ou sur Instagram

Interview réalisée et mise en page par Elena Gaudé.